Un pilotage insuffisant, des habitudes de fonctionnement "en silo", des données partielles, voire tout simplement absentes et, au final, une proportion inquiétante d'agents déclarant ressentir des troubles musculo-squelettiques ou psychosociaux... La mission conduite par la députée (LaREM) Charlotte Lecocq dresse un sombre tableau de la politique de santé et sécurité au travail dans la fonction publique, dans un rapport qu'elle a remis, ce 28 octobre, au Premier ministre et au secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics.
En août 2018, la députée avait signé un premier rapport, sur la santé au travail dans le secteur privé. Elle y appelait à ce qu'une "réflexion" soit aussi menée pour le secteur public. Un message entendu par le Premier ministre : en mars dernier, Edouard Philippe demandait à l'élue du Nord de plancher sur le thème, avec Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC et Jean-François Verdier, ancien directeur général de l'administration et de la fonction publique.
Protéger la santé et la sécurité des 5,5 millions d'agents publics répond à une "urgence", souligne la mission, tant les signaux alarmants sont nombreux. Les incivilités et la violence envers les agents sont croissants. Parmi les plus exposés : les pompiers. En à peine dix ans, le nombre de ceux qui ont été victimes d'agressions a triplé (2.813 agressions en 2017, selon l'observatoire national de la délinquance).
Autre problème : la santé au travail n'est pas placée au coeur du management. En attestent l'absence de ce critère dans l'évaluation de la qualité du travail des cadres et la faible formation de ces derniers dans ce domaine. Or les risques de santé, notamment les risques psychosociaux ont connu ces dernières années, avec les restructurations organisationnelles et les évolutions technologiques, un terrain favorable à leur recrudescence.
Le vieillissement des agents, particulièrement marqué chez les fonctionnaires territoriaux (40% d'entre eux ont plus de 50 ans) constitue une autre source de problèmes liés à la santé. La gestion des ressources humaines a insuffisamment pris en compte cette évolution, déplore la mission.
Globalement, les employeurs ne sont pas au rendez-vous des défis qui sont posés en matière de santé et sécurité au travail. Seulement 35 % des collectivités, représentant les trois quarts des agents territoriaux, ont mis en place un document unique répertoriant les risques professionnels, en dépit de son caractère obligatoire. Certes, des employeurs publics ont pris conscience de l'importance de prévenir les risques. Mais lorsqu'ils veulent recruter un médecin du travail, ils n'y parviennent pas toujours. Il y a bien pénurie de médecins du travail, dont les effectifs ont baissé de 31% entre 2005 et 2014. Le secteur public "n’est pas en mesure, aujourd'hui, d’offrir un cadre d’emploi et des niveaux de rémunération attractifs" face à un secteur privé, qui lui aussi peine à recruter des médecins du travail, diagnostique la mission. Qui préconise de mutualiser les actions entre secteur public et privé.
Plus globalement, pour parvenir à plus d'"efficacité" et d'"équité", la députée et ses collègues recommandent de renforcer la "gouvernance" de la politique de santé et sécurité au travail dans la fonction publique. La mise en place d'une délégation interministérielle dédiée leur paraît prioritaire. Ils jugent également indispensables les mutualisations et les synergies entre les acteurs, notamment pour améliorer l'offre. Ils suggèrent pour cela de soutenir les initiatives qui ont déjà été prises. Comme celle qui, dans la Nièvre, place le centre de gestion de la fonction publique territoriale en position de proposer ses services aux collectivités, ainsi qu'aux services de l'Etat et aux établissements hospitaliers.
La mission souligne l'importance d'"une ambition politique forte". Si les employeurs ne répondent pas présents en matière de prévention de la santé et de la sécurité, il convient de les inciter par le jeu des dotations, suggère-t-elle. Pour favoriser le maintien dans l'emploi, il est préconisé d'"anticiper les parcours professionnels de fin de carrière". La mission insiste aussi sur la nécessité de développer les équipes pluridisciplinaires et de renforcer le rôle des infirmiers et infirmières (notamment pour faire face à la pénurie de médecins). Elle conseille aussi d'"investir pour améliorer les conditions de travail des agents". Toutes ces actions passent par "un effort financier", soulignent les auteurs du rapport.
La mission recommande de renforcer l'appui territorial aux agents et employeurs, avec une offre de suivi individuel et une cellule de prévention et de lutte contre les risques psychosociaux. On relèvera aussi la proposition visant à mettre en place "un plan de lutte contre les violences envers les agents du service public". Il comprendrait à la fois un volet sensibilisation (communication) et un volet répression (sanctions).
Elle préconise enfin de rendre obligatoire pour tout projet de transformation concernant la fonction publique. Selon Charlotte Lecocq, le gouvernement a prévu de traiter certains des sujets abordés par son rapport par le biais d'ordonnances à la Loi de transformation de la fonction publique "à l'automne ou au début 2020".
Pour faire de la prévention dans la fonction publique "une priorité", la mission recommande que soit engagé un plan dédié. Le Premier ministre a d'ores et déjà retenu cette proposition. Dans un communiqué, il annonce avoir chargé le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt de la préparation d'un plan pour la période 2020-2024. Ce dernier devant permettre de définir "les objectifs à atteindre", "l'organisation de la politique de santé et de sécurité au travail" ainsi que "le rôle et les moyens dévolus aux acteurs".
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