Dans un contexte d’augmentation de la délinquance (voir notre article du 31 janvier), le rapport que vient de publier la Cour des comptes sur les quartiers de reconquête républicaine (QRR) – dispositif lancé en septembre 2018 (voir notre article du 19 septembre 2018) dans le cadre de la nouvelle police de sécurité du quotidien (PSQ) (voir notre article du 9 février 2018) – ne manquera pas de mettre un peu de baume au cœur place Beauvau.
Un succès d’estime
"Le succès de la démarche de sécurité du quotidien dans ces QRR est certain. Il s’apprécie par la bonne opinion du personnel, policiers et gendarmes, sur cette mission et par la satisfaction des partenaires", y salue en effet la Cour. Le dispositif QRR visait principalement un renforcement des effectifs des forces de l’ordre dans ces quartiers, désormais au nombre de 62, et une plus grande concertation avec les partenaires. Pour la rue Cambon, ils sont tous deux atteints. "Les moyens ont été mis en place et maintenus" : 1.154 postes ont été créés et affectés au renfort des QRR à la fin 2022, inférieur de 12% à l’ambition initiale de 1.300, un "écart relativement faible", juge-t-elle ainsi. Elle estime de même que le "le développement des partenariats est l’une des grandes réussites de la PSQ" et ce, en dépit d’une "comitologie lourde" (la réunion régulière des partenaires est préconisée, "sans qu’il soit nécessaire de lui imposer un format trop stricte"). La Cour argue ainsi de la "satisfaction majoritaire" exprimée dans deux sondages réalisés en 2020 auprès des transporteurs publics et des bailleurs sociaux, "malgré quelques réserves sur la disponibilité des moyens des forces de sécurité ou les relations entre acteurs de terrain, moins fluides qu’entre cadres".
La variable des polices municipales
On déplorera que l’accent ne soit guère mis sur les interactions avec les polices municipales, alors qu’il est relevé que "la coopération avec la police municipale peut aller à contresens de la sécurité du quotidien" – un constat tiré du témoignage du responsable de la police municipale de Montpellier qui, s’il reconnait la bonne coopération entre polices, relève que "les sollicitations adressées par la police nationale aux équipes municipales sont importantes et les obligent parfois à se désengager de leur mission de proximité".
Cet angle mort s’explique sans doute par "la place variable" que tiennent les polices municipales dans les QRR. Ce qui conduit d’ailleurs la Cour des comptes à indiquer que "ces importantes variations et la faculté qu’ont les villes de modifier les effectifs de leur police municipale montrent que le périmètre et les effectifs dans les QRR ne peuvent pas être indépendants de l’engagement des municipalités".
De manière générale, la Cour observe que le succès des QRR tient d’ailleurs au fait que "tous les responsables locaux ont su adapter leur dispositif aux caractéristiques locales", impulsion donnée par le ministre de l'Intérieur lui-même (voir notre article du 19 octobre 2018). "La déconcentration dans les QRR et plus largement dans les secteurs de la PSQ est l’une des raisons de sa réussite", insiste-t-elle, soulignant qu’a contrario "la rigidité des consignes nationales était l’une des causes de l’échec de la police de proximité voici vingt ans".
Des résultats concrets que l’on peine encore à cerner
La Cour ne donne toutefois pas totalement dans le dithyrambe. Elle déplore ainsi "l’absence d’instrument de mesure efficace" pour juger de la réussite concrète du dispositif. Les enquêtes conduites ne permettent pour l’heure "aucune déduction ou analyse sur l’amélioration des relations entre la police et la population" – qui constitue l’objectif principal de la démarche –, pas plus qu’une "évaluation des résultats de la PSQ, y compris dans les QRR", estime-t-elle. Elle met en outre en avant "le silence des concepteurs sur les conditions qui permettraient de déclarer que la ‘reconquête républicaine’ d’un quartier est achevée", alors que "la reconquête est un processus qui doit s’inscrire dans une dynamique et ne peut se prolonger indéfiniment".
Pas qu’une question d’effectifs
Au-delà des quatre recommandations formelles formulées en conclusion du rapport (dont "la mise en extinction officielle" du dispositif des zones de sécurité prioritaires, encore inscrites dans le code de la sécurité intérieure bien qu’"obsolètes car elles ne correspondent plus à des actions propres"), la Cour suggère d’autres pistes d’amélioration qui dépassent la seule question des forces de l’ordre. Considérant que "les objectifs à atteindre dans les QRR ne relèvent pas des seules forces du ministère de l’Intérieur", elle déplore ainsi qu’ "aucune coordination interministérielle ne permet[te] de suivre au niveau national la mise en œuvre des différentes politiques publiques et de garantir qu’elles restent cohérentes dans le temps". Si elle observe que pour l’heure "la coordination est assurée localement" et qu’ "aucune divergence entre les priorités des acteurs appartenant à différents ministères n’est apparue", elle juge que "ce constat n’est pas une assurance à long terme". Par ailleurs, la Cour pointe à son tour le fait que "policiers et gendarmes expriment une profonde déception devant la lenteur des simplifications de la procédure pénale".
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