Quarantaine et isolement : les dcrets sont parus

October 2024 · 7 minute read


Les articles 3 à 8 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (voir nos articles ci-dessous des 10 et 11 mai) instaurent un dispositif de mise en quarantaine (pour les personnes asymptomatiques) et de placement et de maintien en isolement (pour les personnes symptomatiques), afin de lutter contre la propagation de la pandémie de covid-19 via des cas importés. Ces mesures s'appliquent donc aux personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans une collectivité d'outre-mer. Deux décrets et un arrêté du 22 mai 2020 précisent les modalités de mise en œuvre de ces mesures exceptionnelles dans l'histoire récente du pays.

Volet santé : un décret pour rien ?

Paradoxalement, le texte le plus attendu est celui de l'arrêté. L'article 3 de la loi du 11 mai prévoit en effet que la liste des zones de circulation de l'infection – autrement dit celles en provenance desquelles les arrivées pourront faire l'objet d'une mise en quarantaine et de mesures d'isolement – est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Pour qui n'aurait pas encore bien compris le sens du mot "pandémie", l'article unique de l'arrêté du 22 mai se charge de répondre, dans une formulation qu'on espère bien ne pas revoir de sitôt : "Pour l'application du II de l'article L.3131-15 du Code de la santé publique, l'ensemble du territoire national et des pays du monde sont des zones de circulation de l'infection du virus SARS-CoV-2"...

Pour sa part, le décret 2020-617, pris sous l'égide du ministre de la Santé, est censé préciser les modalités d'organisation de la mise en quarantaine ou de placement et maintien à l'isolement. En réalité, il se contente d'inscrire les mesures législatives dans le décret du 11 mai 2020 "prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire". Il n'apporte donc aucun élément nouveau et se borne – selon une mauvaise habitude juridique – à recopier, quasi littéralement, le texte de la loi (voir notre article ci-dessous du 10 mai 2020). On y retrouve donc sans surprise les deux cas de figure habilitant le préfet à prescrire ces mesures : vis-à-vis de personnes arrivant sur le territoire d'une collectivité mentionnée à l'article 72-3 de la Constitution [les collectivités d'outre-mer, ndlr] depuis le reste du territoire national ou l'étranger, et vis-à-vis de personnes arrivant sur le territoire métropolitain depuis l'étranger présentant des symptômes d'infection au covid-19.

On notera au passage que la rédaction actuelle ne permet pas de faire un cas particulier pour les métropolitains arrivant en Corse et notamment de mettre en place le "Green Pass" demandé la semaine dernière par l'Assemblée de Corse et qui consisterait à exiger des touristes métropolitains qu'ils présentent, à compter du 23 juin, un test négatif au covid-19.

On retrouve aussi dans le décret les dispositions législatives sur le lieu de la quarantaine ou de la mise en isolement (au domicile ou dans un lieu d'hébergement adapté, au choix de la personne), les garanties en cas d'impossibilité de sortie (accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu'à des moyens de communication téléphonique et électronique permettant de communiquer librement avec l'extérieur), le souci de ne pas entraver la vie familiale, les mesures spécifiques lorsque la personne concernée est soupçonnée de violences intrafamiliales et, enfin, la durée initiale des mesures de mise en quarantaine ou de placement et maintien en isolement (pas plus de quatorze jours, renouvelable dans la limite d'une durée maximale d'un mois).

Volet justice : des précisions sur la procédure...

Le décret 2020-610 du 22 mai, pris sous l'égide du ministre de la Justice et centré sur la procédure et les garanties juridiques, reprend, lui aussi, les dispositions de la loi (voir notre article ci-dessous du 10 mai 2020). Mais, contrairement au précédent, il apporte plusieurs précisions. On y retrouve le processus de décision (le préfet du département d'entrée sur le territoire, sur proposition du directeur général de l'ARS) et la prise en compte de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel (voir notre article du 11 mai 2020) : la prolongation de la mesure initiale est possible, sur avis médical, "lorsqu'elle n'interdit pas toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se déroule, et ne lui impose pas de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour".

Le décret apporte aussi des précisions sur les éléments à mentionner dans la décision de quarantaine ou de mise à l'isolement : lieu d'exécution de la mesure, durée de cette dernière, restrictions ou interdictions de sortie et conditions auxquelles elles sont subordonnées, conditions permettant la poursuite de la vie familiale et adaptations nécessaires, le cas échéant, à la situation particulière des mineurs. Durant l'exécution de la mesure, le directeur général de l'ARS "est chargé de l'information régulière et de l'organisation du suivi médical des personnes faisant l'objet d'une quarantaine ou d'un placement en isolement. A cette fin il organise un suivi téléphonique régulier de ces personnes. Il les informe de la possibilité de bénéficier d'un accompagnement social, médical ou médico-psychologique".

...et sur les voies de recours

Ce décret du 22 mai détaille aussi les informations à fournir sur les voies de recours, les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention, les effets attachés à ses décisions, et les conditions de son intervention en cas de prolongation de la mesure. Il précise la façon dont la personne mise en quarantaine ou placée à l'isolement, ainsi que le ministère public, peuvent à tout moment demander au juge des libertés et de la détention la mainlevée de la mesure, ainsi que la procédure qui s'ensuit. Dans tous les cas, le juge des libertés et de la détention statue selon une procédure écrite, mais peut décider de recourir à des moyens audiovisuels ou téléphoniques, à condition que la confidentialité de la transmission et le contradictoire soient assurés.

De son côté, la personne mise en quarantaine ou placée à l'isolement peut être représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Elle peut être assistée d'un interprète. Elle peut également, de même que son avocat et le ministère public, adresser des observations au juge des libertés et de la détention. Par ailleurs, l'ordonnance de ce dernier est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel dans les cinq jours de sa notification. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue alors "à bref délai".

Enfin, le décret du 22 mai détaille, selon les mêmes principes généraux, la procédure de prolongation de la mesure initiale qui, à peine d'irrecevabilité, doit être présentée au plus tard le dixième jour de la mesure initiale. Elle doit également être motivée, datée, signée et accompagnée de l'avis médical établissant la nécessité de cette prolongation et - lorsque cette dernière a pour objet une mesure d'isolement - du certificat médical ayant justifié le placement à l'isolement.

Références : Décret n°2020-610 du 22 mai 2020 pris pour l'application de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique ; Décret n°2020-617 du 22 mai 2020 complétant le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ; Arrêté du 22 mai 2020 identifiant les zones de circulation de l'infection du virus SARS-CoV-2 (Journal officiel du 23 mai 2020).

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