Le projet de loi "pour une école de la confiance", présenté au nom du Premier ministre Édouard Philippe, par le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, Jean-Michel Blanquer, a été déposé le 5 décembre 2018 à l'Assemblée nationale, juste après avoir été présenté en conseil des ministres. Le texte devrait être examiné au Parlement en février 2019. Plusieurs dispositions concernent les collectivités.
Article 1 : la confiance (et le respect)
Article 1 : "Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels."
Un petit tour dans l'étude d'impact indique que le gouvernement entend notamment ici "ne pas mettre à la charge des seuls personnels la responsabilité de l’établissement et du maintien de ce lien de confiance. En effet, les élèves et leurs familles y contribuent également par leur comportement et leur investissement dans le fonctionnement de l’institution scolaire". Il pourra par exemple être invoqué "dans les cas de violences contre les personnels de la communauté éducative ou d’atteintes au droit au respect de leur vie privée, notamment par le biais de publications sur des réseaux sociaux" (par exemple la diffusion de la vidéo d'un "braquage" d'une enseignante en classe, comme cela s'est passé récemment).
L’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire constitue pour les communes une extension de compétences
C'est naturellement l'article 2, indiquant que "l’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de 3 ans et jusqu'à l’âge de 16 ans", qui retient l'attention première des collectivités et d'abord des communes. Il ne s'agit pas d'accueillir les enfants dès la date anniversaire de leur 3 ans, mais bien "au 1er septembre de l’année de leurs 3 ans", précise l'étude d'impact. Cette mesure entrera en vigueur dès l’année scolaire 2019-2020. Elle implique pour les communes une "extension de compétence" : les communes sont désormais obligées d’accueillir les enfants âgés de 3 à 5 ans à l’école publique.
Car aujourd'hui, l’ouverture d’une école maternelle publique n’est pas obligatoire pour une commune. Ce qui n'empêche pas que lorsque l'école est ouverte, la commune qui "a décidé une telle ouverture doit obligatoirement prendre en charge les dépenses liées à cette école". C'est le cas de 45.401 écoles primaires publiques aujourd'hui, rappelle le gouvernement dans son étude d'impact, précisant que pour les écoles privées, "les communes n’ont d’obligations financières vis-à-vis des écoles préélémentaires sous contrat d’association que si elles ont donné leur accord au contrat liant l’école à l’État".
"Eu égard aux obligations des communes en matière de participation au financement des écoles primaires publiques ("bâtiments scolaires" et "service des écoles"), l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire constitue pour ces collectivités territoriales une extension de compétences au sens de l’article 72-2 de la Constitution", souligne l'étude d'impact, qui ajoute aussitôt ledit article de la Constitution qui dispose que "toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi".
"L’État attribue à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires
D'où l'article 4, sur la compensation financière de cette mesure pour les communes : "L’État attribue à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’elle a consenties (…) au titre de l’année scolaire 2019-2020 (Ndlr : la première année scolaire d’entrée en vigueur de la loi) par rapport à l’année scolaire précédente dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire."
Le gouvernement assure que "par rapport à la situation à la rentrée scolaire 2018, l’impact budgétaire global et au niveau national de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire sera, en termes d’élèves accueillis, plus que compensé par la baisse tendancielle des effectifs du préélémentaire jusqu’au moins 2022". Le nombre d'élèves âgés de 3 à 5 ans supplémentaires à scolariser, seraient, à partir de 2019 et "au regard du taux de scolarisation actuel de 98,9%", seulement de l’ordre de 26.000 élèves (dont 3.000 dans l’enseignement privé sous contrat).
Pour les dépenses d'investissement, "il n’y a pas lieu de prévoir un dispositif d’accompagnement supplémentaire spécifique"
Malgré cet optimiste, et parce que la Constitution de toute façon l'impose, l'État accompagnera donc financièrement les communes. Pour les dépenses d’investissement occasionnées par l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, l'étude d'impact indique qu'elles "pourront être inscrites parmi les dépenses prioritaires que les préfets peuvent subventionner dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local, de la dotation politique de la ville et de la dotation d’équipement des territoires ruraux". Si bien qu'"il n’y a pas lieu de prévoir un dispositif d’accompagnement supplémentaire spécifique à cette catégorie de dépenses", a estimé le gouvernement qui indique par ailleurs que l’impact budgétaire de cet accompagnement aux dépenses d’investissement "ne peut être mesuré à ce stade eu égard à la diversité des situations locales en matière de bâti scolaire notamment".
100 millions d'euros pour l'accompagnement des dépenses de fonctionnement, dont la moitié pour les écoles privées
Pour les dépenses de fonctionnement nouvelles, "il est préconisé d’offrir un accompagnement financier ouvert aux communes qui auront à supporter effectivement ces hausses de dépenses, calculé à partir des données que les communes présenteront aux services du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse", indique l'étude d'impact. Ces dépenses de fonctionnement sont estimées à 100 millions d'euros, dont 50 millions d'euros pour les écoles publiques et "entre 40 et 50 millions d'euros pour l’enseignement privé".
Il est promis dans l'étude d'impact que l'accompagnement aux communes "constituera une dotation pérenne" et que "l’instruction des dossiers de demande ne s’effectuera qu’une seule année (2020-2021)". Les demandes pour les dépenses de fonctionnement seront instruites par les services académiques départementaux, puis l'attribution à chaque commune éligible sera décidée par le préfet de département. Pour les demandes en matière d’investissement, l’instruction sera réalisée directement par les préfets.
La création d’établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI)
Le titre II du projet de loi, intitulé "Innover pour s’adapter aux besoins des territoires" entend donner "à l’école et à ses partenaires, en particulier les collectivités territoriales, des leviers pour être en capacité de préparer l’avenir". Ainsi, "là où les volontés politiques locales existent, ce projet de loi propose aux collectivités territoriales volontaires de s’appuyer sur le rayonnement du système éducatif français pour développer l’attractivité d’un territoire par la création d’établissements publics locaux d’enseignement international". Ces établissements, dont le cadre législatif constitue l'article 6 du projet de loi, prépareront à l'option internationale du brevet et à celle du baccalauréat ou à la délivrance simultanée du baccalauréat général et du diplôme permettant l’accès à l’enseignement supérieur dans un État étranger.
L'étude d'impact dit bien que la création d'un EPLEI "repose sur le volontariat de collectivités qui s’associeront, dans le cadre d’une convention, pour la création du futur établissement". Les collectivités territoriales concernées sont les communes, les départements et les régions. La convention constitutive précisera notamment sa durée, les conditions de sortie des collectivités signataires, la collectivité de rattachement, le secteur scolaire, la répartition des charges incombant aux parties, la composition du conseil d’administration, les modalités de recrutement et de gestion des personnels, "en particulier les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem)".
L'évaluation "pour encourager le progrès et l’égalité"
C'est aussi au titre II que figure la création d’un rectorat à Mayotte (article 7), le recours à l’expérimentation pédagogique et la création du "Conseil d’évaluation de l’école" (avec la suppression du Cnesco). Pour le gouvernement, " l’évaluation des établissements doit être un outil de connaissance au service de la communauté éducative pour encourager le progrès et l’égalité", et pas du tout un outil pour classer les établissements entre eux et les mettre en concurrence.
Le titre III sur les ressources humaines concernent peu les collectivités et c'est au titre IV, "Simplifier le système éducatif", que figure le projet de légiférer par ordonnance sur la réorganisation territoriale. Il s'agit de permettre, comme le souhaite le gouvernement que, à compter du 1er janvier 2020, les périmètres des académies métropolitaines soient alignés sur les périmètres des treize régions de métropole.
À l'article 19, le texte prévoit la compensation des bourses nationales de lycée/frais de cantine pour éviter l’avance de frais aux familles. Cette disposition n’aura pas d’impact budgétaire sur les collectivités territoriales, car le mécanisme de compensation n’est praticable que si c’est le même comptable public qui assure les deux opérations, paiement de la bourse et recouvrement des frais de pension / demi-pension, (pas si c'est la collectivité locale qui gère les services d’hébergement et de restauration.
Le projet de loi Blanquer prévoit également le renforcement du contrôle de l’instruction dispensée en famille. Mais là encore, ce serait sans impact sur l'enquête mairie effectuée tous les deux ans auprès des familles.
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