Les déboires de l'équipe de France de football en Afrique du Sud avaient mis en avant des défaillances au sein de la Fédération française de football (FFF). Or son modèle serait "formellement identique" à celui d'autres fédérations sportives. Ceci ajouté aux deux échecs des dernières candidatures françaises aux Jeux olympiques, "il était dès lors nécessaire de s'interroger non seulement sur la pertinence du modèle de gouvernance des fédérations, mais aussi sur leurs éventuelles inadaptations à une stratégie internationale", note le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gouvernance des fédérations sportives, rendu public ce mercredi 22 février.
Présidée par Valérie Fourneyron, député-maire de Rouen, la mission s'est notamment interrogée sur l'encadrement législatif de la gouvernance des fédérations, les relations avec l'Etat dans le cadre de la délégation de service public (un cas unique en Europe occidentale) ou encore les moyens à mettre en place pour obtenir une gouvernance des fédérations qui permette de meilleurs résultats dans les différents objectifs qui peuvent leur être fixés (sport pour tous, sport et santé, action sociale, représentation des femmes et des jeunes...).
Après voir rappelé qu'en France, 117 fédérations agréées, olympiques, non olympiques ou multisports rassemblaient 16 millions de licenciés sportifs et 3,5 millions de bénévoles au sein de 180.000 associations sportives, le rapport s'ouvre sur une analyse des modes de gouvernance interne des fédérations... et distribue ses premiers cartons jaunes.
Des dirigeants consanguins ?
Si l'on note un "foisonnement créatif" dans les statuts, la composition et les organes des fédérations, les modes d'élection de leurs organes dirigeants sont jugés "perfectibles". "Quel que soit le choix retenu, il semble qu'en tout état de cause, le système des grands électeurs désignés dans le cadre territorial des comités départementaux ou des ligues régionales, se traduisant la plupart du temps par l'élection des dirigeants mêmes de ces structures à l'échelon national, n'est pas la solution la plus pertinente pour limiter les excès des cooptations, voire de 'consanguinité', que certains des responsables auditionnés ont dénoncés", souligne le rapport, avant de préconiser "une plus grande transparence du mode de scrutin, une meilleure représentation des licenciés à travers les clubs et leurs présidents" pour permettre le renouvellement des dirigeants ou l'apparition "naturelle de nouveaux talents". Gilles d'Ettore, député de l'Hérault et rapporteur de la mission, souhaite à ce propos un vote par internet de tous les licenciés à terme.
Parmi les nouveaux acteurs que des modes d'élection renouvelés pourraient voir apparaître, figurent les femmes, à propos desquelles le rapport dénonce une "inégalité persistante". Si une enquête du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) montre une "évolution positive de la représentation des femmes depuis une décennie", notamment au sein de l'instance dirigeante fédérale élargie (conseil d'administration, comité directeur ou conseil de surveillance), cette tendance est moins marquée dans l'instance restreinte (bureau ou directoire), alors qu'un "déséquilibre flagrant" se creuse au niveau des présidences fédérales : 11 femmes pour 115 présidences de fédération en 2009 et 5 pour 121 au 1er septembre 2010... Sur ce chapitre, le rapport se veut toutefois optimiste. Il constate "que les présidences locales des associations sportives tendent à se féminiser légèrement. Il devrait donc pouvoir se constituer un vivier [...] permettant l'apparition de candidates plus nombreuses pour les instances dirigeantes intermédiaires ou fédérales".
Pour s'attaquer à l'uniformité des dirigeants fédéraux, le rapport lance encore une piste : la rémunération. "Si les jeunes et les femmes, malgré les mesures incitatives diverses, n'ont pas davantage accès aux responsabilités fédérales, c'est que, comme beaucoup l'ont souligné, il ne leur est pas possible de disposer du temps nécessaire à un tel engagement parallèlement à leurs activités professionnelles et à leur vie familiale." La mission juge ainsi qu'il serait "opportun" de permettre la rémunération – très peu répandue actuellement – des présidents de fédération, voire d'autres dirigeants. "C'est une question centrale pour avoir plus de jeunes, de femmes, de projets différents. On ne peut plus se permettre d'avoir un président de fédération qui ne soit pas entièrement disponible pour sa fédération", a commenté Denis Masseglia, président du CNOSF, lors de la présentation du rapport.
La pertinence du ministère des Sports en question
Améliorer la gouvernance des fédérations, c'est encore "concilier tutelle et autonomie organisationnelle" dans leurs rapports avec l'Etat et les collectivités locales. Pour ce qui est des moyens donnés aux fédérations par l'Etat – 95 millions d'euros de subventions sur le programme budgétaire Sport en 2011, et près de 109 millions d'euros correspondant à la rémunération des 1.665 cadres d'Etat mis à disposition des fédérations –, la mission parlementaire se félicite que le gouvernement ait "sanctuarisé" les emplois de cadres sportifs techniques en ne les soumettant pas aux règles du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la RGPP. En revanche, elle estime qu'il serait "sans doute pertinent de réorienter quelques-uns des moyens que l'Etat destine au sport en faveur de la formation des dirigeants des fédérations". La question de la compétence des bénévoles dans l'exercice de mandats de plus en plus exigeants et le risque de voir les salariés d'une fédération prendre le pouvoir à la place des élus ont en effet été évoqués lors des auditions de la mission. Pour Gilles d'Ettore, les fédérations "aimeraient que les directeurs techniques nationaux soient nommés sur proposition de l'Etat et que leur nomination ne soit pas vécue comme une immixtion de l'Etat dans la vie des fédérations".
Corollaire des interventions publiques, les contrôles – et notamment celui de la Cour des comptes de 2009, intitulé "L'Etat et les fédérations sportives face aux mutations du sport" – mettent en évidence "de fortes tensions" et "l'anticipation par le mouvement sportif d'un éventuel désengagement de l'Etat". Les auditions de la mission ont confirmé cette évolution, "poussant certains à s'interroger sur la pertinence du maintien d'un ministère des Sports sous sa forme actuelle, tout en réaffirmant leur attachement à une intervention de l'Etat, contrepartie indispensable des missions confiées aux fédérations", souligne le rapport.
Fédérations et collectivités, deux mondes qui s'ignorent encore
Les relations entre fédérations et collectivités territoriales sont pour leur part fort différentes. Si à travers les constructions d'équipement, l'aide directe ou indirecte au sport amateur et professionnel, et l'animation sportive, la contribution des collectivités au sport atteignait 10,8 milliards d'euros en 2009, leur action, "contrairement à celle de l'Etat, se situe moins au niveau des fédérations elles-mêmes qu'à celui du cadre concret dans lequel elles développent leur discipline, mais elle y est essentielle". Ce manque d'implication directe a conduit la mission à constater "la connaissance très imparfaite, par les principaux intéressés, des niveaux de responsabilité concernés tant fédéraux que territoriaux par les interventions respectives de l'Etat et des différentes collectivités territoriales".
Pour pallier cette méconnaissance et assurer la cohérence des interventions publiques, la mission compte sur les conférences régionales du sport que de nombreux conseils régionaux ont mis en place. "Il devrait ainsi être possible de mieux répondre à l'inadaptation des structures fédérales aux relations avec les partenaires locaux, et aux difficultés éprouvées par les directions fédérales [...] pour entrer en contact de façon pertinente avec les acteurs territoriaux des activités sportives", souligne le rapport. Il est toutefois un problème touchant de près les collectivités pour lequel les fédérations bottent immédiatement en touche : celui des normes. Leur édiction, ont-elles déclaré devant la mission, leur échappe "pour l'essentiel, en particulier parce que leurs disciplines respectives [ont] à se conformer aux décisions prises [...] par les fédérations internationales". Quand fédérations et collectivités auront trouvé un terrain commun, nul doute que cette question fera l'objet d'un match serré.
Plus globalement, le rapport conclut en appelant les fédérations qui atteignent une certaine taille en termes d'effectifs ou de surface financière à "professionnaliser leur gestion et adapter leur gouvernance". Pour la mission, "le cadre législatif actuel permet cette adaptation, sans qu'il soit besoin d'une intervention du politique". Le mouvement sportif montre en effet "le plus souvent qu'il est en capacité de se réguler". Reste à savoir comment un monde qui pratique la cooptation, voire la "consanguinité", pourra mieux s'autoréguler qu'il ne l'a fait jusqu'à présent sans une impulsion forte venue de l'extérieur...
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