Le Sénat a achevé dans la nuit du 19 mai, l'examen par articles du projet de loi relatif à la réforme de l'asile (pour le contenu originel du texte, voir notre article ci-contre du 23 juillet 2014). Le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi interviendra le 26 mai. A cette occasion, les sénateurs ont adopté l'essentiel des modifications et ajouts introduits par la commission des lois (voir notre article ci-contre du 12 mai 2015).
Un rejet par l'Ofpra vaut obligation de quitter le territoire
Ils ont notamment voté, au terme d'une longue et intense discussion, une disposition introduite en commission à l'article 14, prévoyant qu'une décision définitive de rejet de demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) - ou, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) - vaut obligation, pour le demandeur débouté, de quitter le territoire français (OQTF). Cette mesure a été vivement contestée par la Gauche et par le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a dénoncé "un mélange des genres entre l'appréciation du bien-fondé d'une demande d'asile - c'est le rôle exclusif de l'Ofpra et, le cas échéant, de la CNDA - et l'appréciation du droit au séjour qui relève d'abord de l'autorité préfectorale".
Du coup - et afin "de lever toute ambiguïté" -, le gouvernement a fait adopter un amendement (n°240, art. additionnel après l'art. 14 bis) précisant la possibilité de prononcer une OQTF à l'égard d'un étranger débouté de sa demande d'asile ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français.
Aménagements sur la procédure d'examen des demandes
Compte tenu du travail déjà effectué en commission, les sénateurs ont adopté relativement peu d'amendements significatifs en séance publique. Quelques-uns méritent néanmoins d'être signalés même si, pour la plupart, ils ne passeront sans doute pas le cap de la commission mixte paritaire et du vote final de l'Assemblée.
Ainsi, pour ne pas alourdir la tâche de l'Ofpra, des amendements des groupes Socialiste et UDI (n°25 rect. bis et n°84, art. 3) ont supprimé la disposition introduite par la commission des lois du Sénat et prévoyant un réexamen systématique, tous les trois ans, de la situation des bénéficiaires de la protection subsidiaire.
En séance publique, les sénateurs se sont également attardés longuement sur l'article 7 - relatif aux modalités d'examen des demandes de protection par l'Ofpra et prévoyant la mise en place d'une procédure accélérée - et ont adopté plusieurs amendements. Le gouvernement a ainsi fait introduire (n°251) la possibilité d'expérimenter un "service déconcentré" de l'Ofpra sur un site pilote. L'expérimentation devrait durer deux ans et débuter à partir du deuxième semestre 2016. De même, à l'initiative du groupe Socialiste, les sénateurs ont supprimé le délai de quinze jours pour l'examen d'une demande d'asile en procédure prioritaire, en considérant que la fixation de délais relevait du pouvoir réglementaire (n°78). Un autre amendement (n°72) réintroduit la faculté, pour l'Ofpra, de clôturer ou non l'examen d'une demande d'asile, après le retrait de sa demande par l'intéressé. L'objectif est de laisser une marge de manœuvre à l'Office au cas où il apparaîtrait que l'intéressé a retiré sa demande sous des pressions extérieures.
Domiciliation et participation
Sur l'article 12 relatif à l'enregistrement de la demande d'asile, les sénateurs ont adopté deux dispositions nouvelles. La première (n°36 rect. bis et n°158) supprime l'obligation, pour un demandeur, de disposer préalablement d'une adresse de domiciliation pour déposer son dossier d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. Le second (n°52 rect. ter) fait primer "l'intérêt supérieur du mineur", en cas de recherche de la famille après la présentation d'une demande d'asile par un mineur non accompagné.
Sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asiles, définies à l'article 15, un amendement (n°162) précise que les lieux d'hébergement peuvent exiger une participation financière des demandeurs d'asile en fonction de leurs ressources, tandis qu'un autre (n°40 rect. bis) rétablit la disposition adoptée par l'Assemblée sur l'évaluation de la vulnérabilité, qui est effectuée par des agents de l'Ofpra ayant reçu une formation à cette fin. Un amendement - adopté malgré la demande de retrait de la commission et du gouvernement - supprime la disposition de l'article 15 permettant l'ouverture du marché du travail aux demandeurs d'asile, lorsqu'il n'a pas été statué sur leur demande neuf mois après son dépôt.
Enfin, un amendement (n°45 rect. bis) ramène de trente à sept jours le délai de départ volontaire qui peut être fixé à l'étranger à l'égard duquel une OQTF a été prise.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi relatif à la réforme de l'asile, adopté, en première lecture, par l'Assemblée nationale le 16 décembre 2014, examiné par le Sénat les 11, 18 et 19 mai 2015, vote solennel sur l'ensemble du texte prévu le 26 mai 2015).
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