Le budget de l'UE 2021-2027 enfin adopt

July 2024 · 5 minute read


Un suspense à la Hitchcock ! En approuvant ce mercredi 16 décembre le budget à long terme de l'Union européenne (fixé à 1.074,3 milliards d'euros au prix de 2018), le Parlement européen a mis un point final à une année de négociations budgétaires riche en rebondissements, l'intrigue ne se dénouant qu'à la dernière minute.
Au rythme où vont les choses, on a déjà presque oublié que les discussions sur ce cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 – mis à mal par un Brexit qui n'en finit plus de donner des migraines, et n'en finit plus tout court ! – étaient déjà dans l'impasse bien avant le Covid, les sommets infructueux se succédant alors les uns aux autres.
Nul besoin de rappeler en revanche que la pandémie est venue diablement compliquer la donne, mettant à mal tant les projections en cours que l'ambitieux programme de travail de la toute jeune Commission von der Leyen. Et, plus encore, soulignant, combien la construction européenne demeure fragile. 

L'Europe, combien de divisions ?

Au fil des mois, la fermeture désordonnée et égoïste des frontières – au risque de la congestion et à la surprise des plus europhiles –, les négociations pied à pied des rabais, principalement au détriment de la France, les dissensions sur la portée des "valeurs" de l'Europe – via un mécanisme relatif à l'État de droit dont la date d'application fait encore débat – ont montré à quel point les parties peuvent encore primer sur le tout. Et combien l'Union européenne n'est qu'un colosse aux pieds d'argile, particulièrement dans le domaine de la santé, où ses pouvoirs sont réduits à la portion congrue. "L'Europe, combien de divisions ?" La formule reste d'actualité, comme en témoigne le funeste sort réservé au fonds européen de la défense, pourtant érigé au rang des "lignes rouges" françaises, dans le prochain CFP. Mais elle illustre sans doute mieux encore les multiples lignes de fracture qui traversent aujourd'hui les Vingt-sept.

Un moment "von der Leyenien" ?

Paradoxalement, la pandémie aura été parfois "salutaire" (même si le rapport coûts/bénéfices restera évidemment au final plus que déficitaire). En prenant les choses par le petit bout de la lorgnette – qui ne sont pas sans conséquence au quotidien –, les mesures exceptionnelles qu'elle a rendues nécessaires faciliteront sans doute, un peu, la consommation de fonds 2014-2020 à la traîne et une transition fort mal engagée entre les deux CFP.
Surtout, et sans commune mesure, elle devrait permettre ce qui ressortait jusqu'ici du domaine de l'impensable : la mise en place d'un endettement commun. On a tendance là encore à l'oublier, l'idée d'un plan de relance adossé au CFP a d'abord été lancée dès avril par Ursula von der Leyen. Après avoir reçu le blanc-seing du Conseil pour y travailler, la Commission en avait dévoilé fin mai les grandes lignes, recevant entre-temps le renfort du tandem franco-allemand. Après un premier échec en juin, plus ou moins attendu, l'accord fut finalement trouvé à l'été. Mais comme nous le soulignions à l'époque, il y avait encore loin de la coupe aux lèvres. Le Parlement européen a défendu chèrement ses positions, les collectivités ont elles aussi essayé de peser, avec moins de succès, et le règlement sur l'État de droit a fait planer jusqu'au bout la menace d'un fiasco, avec les veto hongrois et polonais, très récemment levés.

Il est encore trop tôt pour savoir si l'Europe aura eu avec cet accord son moment "von der Leyenien" comme les USA ont leur moment "hamiltonien". Ne serait-ce que parce que les parlements nationaux ont encore leur mot à dire sur la décision relative au système des ressources propres – qui vient d'être publiée au JOUE. Sans leur feu vert, point d'emprunt, point de NGEU (Next Generation EU) ! Ou encore parce que d'autres écueils ne sont pas à exclure, du côté de la Cour constitutionnelle allemande notamment, qui a déjà montré les crocs cette année. Néanmoins, le pas ainsi franchi aura sans doute pour la construction européenne davantage l'allure d'un "premier pas sur la lune" que ne peut l'avoir l'adoption du "pacte vert", pour crucial qu'il soit dans la route vers ce "nouveau monde" qu'Ursula von der Leyen a invité les Européens à façonner dans un discours de l'état de l'UE ignoré des médias français.

Las, il faudra en 2021 de nouveau rouler le rocher vers la cime : stopper l'hémorragie, tant sanitaire qu'économique, panser les plaies et redonner vigueur au convalescent. Le tout en : 
- gérant les conséquences du Brexit, qu'il y ait "deal" ou "no deal". Le Parlement européen se tient prêt à organiser une session plénière extraordinaire vers la fin du mois de décembre, au cas où un accord serait conclu d'ici dimanche 20 décembre minuit ; 
- faisant face aux nouvelles lignes de fractures engendrées par la crise ;
- mettant en musique les nouvelles politiques – qui ne manqueront pas d'engendrer de profonds bouleversements économiques et sociaux –, à commencer par le "pacte vert", dont la sève innerve nombre des mesures de relance. Et ce d'autant que le Conseil de l'UE vient de parvenir à un accord sur une "orientation générale" sur la proposition de loi européenne sur le climat et son nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'UE d'au moins 55% d'ici 2030 par rapport à 1990, conformément aux orientations du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020 ;
- en préparant dès maintenant le nouveau système des ressources propres, sans lequel tout s'écroule. Le tout avec en toile de fond la fin du mythe de "l'argent magique" et du "quoi qu'il en coûte", comme l'a d'ores et déjà rappelé la Commission européenne. Dura lex economica. Sed lex.

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