L'Arcep publie la dcision de mise en demeure d'Orange sur les zones Amii

September 2024 · 5 minute read


L’Autorité de régulation a publié le 16 février 2023, dans une version expurgée des informations concurrentielles, sa décision portant mise en demeure d’Orange sur la complétude des zones Amii. Une décision datée de mars 2022 que l’opérateur a depuis décidé d’attaquer en saisissant le Conseil d'État d’une question prioritaire de constitutionnalité (voir notre article du 8 février 2023). L'Autorité y rappelle le cadre juridique dans lequel s’exerce cette mise en demeure et notamment le fameux article L-33-13 du CPCE, aujourd’hui attaqué par Orange. Celui-ci précise que l'Arcep "contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés" des "engagements" souscrits par les opérateurs auprès du ministre chargé des communications électroniques.

Un engagement de couverture à 100% en 2018

Des engagements en l’occurrence formulés dans un courrier de l’opérateur en date de février 2018. Celui-ci stipule : "Orange propose que 100% des logements et des locaux à usage professionnel de notre périmètre de déploiement FTTH sur la zone Amii d’Orange soient ouverts dès fin 2020 à la commercialisation d’offres FTTH. Et de surcroît, Orange consent volontairement à rendre cet objectif opposable, de sorte que si nous ne tenions pas l’objectif, nous acceptons le principe d’une sanction pécuniaire". La liste des communes précisée en annexe du courrier reprend pour l’essentiel les quelque 3.000 communes Amii de 2011. Le courrier prévoyait aussi pour la fin 2020 une marge de 8% (à l’échelle nationale) de "prises raccordables sur demande". Une marge que l’opérateur promettait de résorber pour la fin 2022, exception faite des "logements et locaux à usage professionnel non raccordables du fait d’un refus des copropriétés et propriétaires concernés". Après quelques ajustements sur la liste des communes, l’engagement d’Orange a été formalisé par un arrêté de l'Arcep en date de juillet 2018. En 2020, face aux retards constatés par l’Autorité, les délais accordés à l’opérateur ont été reportés à avril 2021.

IPE contre population Insee 2013

Dans sa décision de 2022, l'Arcep détaille ses échanges avec Orange, qui a contesté dès 2019 les bases de calcul de ses engagements. Dans une enquête datée de juillet 2019, Orange estime que ses engagements portent sur 11,7 millions de locaux, soit la base de données logements de l’Insee de 2013. L'Autorité se fonde pour sa part sur les fichiers IPE (pour "informations préalables enrichies") utilisés par les opérateurs pour identifier chaque logement, beaucoup plus proches de la réalité du terrain. "L'IPE ne peut apporter les garanties suffisantes pour servir de base de référence pour l’évaluation du nombre total de locaux du périmètre des engagements L. 33-13 d’Orange", fait valoir l’opérateur. En février 2022, Orange réitère cette base de calcul et ajoute que "le périmètre des engagements volontaires est déterminé par l’opérateur lui-même". Et conclut que "toute autre référence que les données 2013 de l’Insee représenterait une dénaturation de la portée des engagements souscrits volontairement par Orange sans contrepartie aucune". Sur ces bases, il considère avoir rempli ses engagements L. 33-13 avec un taux global de couverture de 109,7 % au 1er janvier 2022 sur les 2.978 communes AMII.

420.000 locaux manquants

Le régulateur ne fait pas du tout la même lecture et n'aboutit pas aux mêmes calculs, confortant ainsi celle que font l’Avicca ou la communauté d'agglomération du bassin de Brive (voir notre article du 7 décembre 2022). Il considère tout d’abord que les obligations de 2018 portent sur "toutes les communes concernées" et "tous les logements et locaux à usage professionnel de l’ensemble des communes". L'Arcep défend ensuite la pertinence des fichiers IPE pour contrôler les engagements des opérateurs, soulignant que le fichier Insee "ne permet pas d’identifier les locaux raccordables". Sur la base des fichiers IPE, après soustraction des "refus de tiers" et des immeubles en construction – soit 580.000 locaux –, l’Arcep estime que le nombre total de locaux à rendre raccordables sur les communes Amii était de 12,885 millions de locaux. Une fois déduits les locaux raccordés par Orange ou des opérateurs tiers, l’Arcep estime "qu’il reste environ 420.000 [locaux] à la date de la présente décision à rendre raccordables pour atteindre l’objectif fixé par la mise en demeure".

En conclusion, l'Autorité avait accordé à Orange un délai supplémentaire, jusqu’au 30 septembre 2022, pour achever la couverture des communes concernées, sans que l'éventualité de sanctions ne soit évoquée dans les trois articles qui forment l’arrêté. Les statistiques du dernier trimestre 2022 de l'Autorité montrent que la mise en demeure n'avait pas été suivie d’effet. Et la saisine du Conseil d'État par Orange début février a pour conséquence immédiate de stopper toute possibilité pour l’Autorité de mener de nouvelles poursuites, comme l’a rappelé sa présidente le 8 février devant les sénateurs.

  • Le plan d’Orange muet sur la complétude

Lors de la dernière audition devant les sénateurs (voir notre article du 26 janvier 2023), Laure de la Raudière indiquait espérer qu’Orange infléchirait sa position sur la couverture FTTH à l’occasion de la présentation de son plan stratégique pour les trois ans à venir. La lecture de "Lead the future" publié par Orange le 16 février 2023 est pour le moins déceptive sur ce point. Si l’opérateur se satisfait de son leadership sur la fibre, il reste très flou sur ses objectifs de déploiement. Il n’évoque ainsi que "5 millions de prises supplémentaires" à l’échelle de l’Europe et un ralentissement de ses investissements globaux de 18 à 15% jusqu’en 2025. Il précise en outre que "ce ralentissement concerne en particulier la France et l’Europe où l’essentiel des investissements dans la fibre ont été réalisés". L’opérateur annonce par ailleurs la poursuite de ses efforts de maitrise des coûts, un recentrage de ses offres sur les solutions de connectivité, le lancement d’une offre satellite sous sa propre bannière et "l’accélération" de ses activités en matière cybersécurité.

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