"Puisque le rôle des régions dans l'élaboration et la mise en œuvre des plans stratégiques nationaux (PSN) a été acté dans les règlements sur la politique agricole commune (PAC) qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, il me semble qu'elles devraient être formellement associées au réseau PAC qui sera chargé du suivi de cette politique. La représentation des régions dans ce réseau ne doit pas dépendre du bon vouloir des États membres. A minima un groupe de travail à part entière devrait être constitué avec les régions qui sont chargées de la mise en œuvre des plans stratégiques." À l’occasion d’une réunion de la commission "Ressources naturelles" du Comité européen des régions (CdR) tenue le 2 juin avec les services de la DG Agri de la Commission, Karine Gloanec-Maurin (parti socialiste européen) a, parmi d’autres, invité la Commission européenne à revoir à la hausse le rôle des régions dans la conduite de la PAC. Notamment dans le cadre de ce "réseau national de la PAC", prévu par l’article 126 du règlement 2021/2215 et qui vise, entre autres objectifs, à "accroitre la participation de tous les acteurs concernés à la mise en œuvre des plans stratégiques (…) et, le cas échéant, à leur conception" et à "contribuer à améliorer la qualité de (cette) mise en œuvre".
"Compte tenu des difficultés actuelles de la Commission pour mettre en conformité les plans stratégiques nationaux proposés par les États membres", l’élue estime même que "la Commission aurait tout intérêt à travailler davantage avec les régions, qui sont les plus à même d'élaborer des mesures adaptées aux réalités de terrain de manière à parvenir aux objectifs de la stratégie de la ferme à la fourchette".
La France en première ligne
La question est particulièrement sensible en France.
Sur le fond d’abord, puisque que le ministre de l’Agriculture (alors Julien Denormandie) n’a jamais caché ses réticences à l’égard de la stratégie Farm to fork (voir dernièrement notre article du 23 février). Et encore moins depuis la guerre en Ukraine, dont il a estimé qu’elle confortait ses choix. L’ancien ministre avait ainsi clairement indiqué qu’il n’entendait pas revoir les grandes orientations de son PSN, présentées il y a un an (voir notre article du 21 mai 2021), quand bien même ce dernier serait jugé insuffisamment "vert" par la Commission (voir notre article du 2 mai).
Sur la forme ensuite, puisque Bruxelles a explicitement demandé à la France "d’apporter une réponse claire" à l’attente importante "d’un développement de nouveaux espaces de concertation et d’ouverture aux citoyens qu’a fait ressortir le débat public sur le PSN" et "d’expliquer comment elle sera traitée dans les systèmes de gouvernance (ou) le fonctionnement du réseau national pour la PAC". Une demande qui s’ajoutait à celle d’une "clarification" de la composition du "comité de suivi" également prévu par le règlement (article 124) afin de contrôler l’efficacité de la mise en œuvre du plan stratégique, la Commission invitant en outre la France à préciser ici les mesures prévues pour garantir l’indépendance de ce comité vis-à-vis de l’autorité de gestion, rappelant qu’il "est attendu que ces deux organismes soient des entités distinctes". Il est vrai que dans la version du 22 décembre 2021 du PSN diffusée par le ministère, ne figurait comme seule information pour ce comité un "à venir" peu éclairant.
Des régions déjà prévues dans le réseau PAC français
Lors de la réunion du 2 juin, la DG Agri, rappelant les textes, a donné quelques assurances. Oui, des représentants de la Commission participeront bien à ces comités de suivi, nationaux et régionaux, à titre consultatif. Oui, les régions devront également y être représentées (v. notamment le considérant 113 du règlement 2021/2215). Oui, elles seront associées au réseau de la PAC, européen cette fois. En revanche, c’est aux États membres qu’il revient de désigner les personnes qui siègeront au sein du "comité Pac" (prévu à l’article 153) – qui remplace le comité du développement rural –, et d’y inclure, ou non, des représentants des régions. S’agissant du réseau national de la PAC cette fois, la DG ne semble pas s’être exprimée. Pour la France, la crainte paraît néanmoins infondée, puisque le PSN prévoit qu’il est "animé par une instance de coordination nationale regroupant la DGPE (la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère), l’Agence nationale de cohésion des territoires, Régions de France et les autorités de gestion régionales". Reste à voir ce qu’il en sera dans les faits, le "travail partenarial" avec les régions vanté par Julien Denormandie pour bâtir le PSN n’étant pas sans anicroches (v. notre article du 2 mai précité).
En revanche, il ne paraît guère envisageable de voir, comme proposé, la Commission enjamber les États membres dans un domaine qui reste éminemment centralisé, cette centralisation ayant qui plus est tendance à s’affermir (voir notre article du 22 mars). Et ce nonobstant les propos rassurants tenus lors de la réunion du 2 juin (et rapportés par le CdR) par Michael Niejahr, directeur général adjoint de la DG Agri : "Les régions continuent de jouer le rôle qu’elles avaient jusqu’ici. Je ne crois pas qu’elles soient à la merci des gouvernements centraux, qui ont des obligations juridiques à respecter."
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