À l'occasion de ses vœux à la presse le 22 janvier, Agnès Buzyn a annoncé que le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, en cours d'examen au Conseil d'État, sera présenté au conseil des ministres du 13 février. Ce texte comprend actuellement 23 articles, qui constituent la traduction législative du plan "Ma santé 2022", présenté par Emmanuel Macron le 18 septembre 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour). Cette date de passage en conseil des ministres est conforme au calendrier annoncé par la ministre des Solidarités et de la Santé (voir notre article ci-dessous du 20 novembre 2018).
Urgence déclarée et calendrier serré
Lors d'un point presse le 17 janvier, Cécile Courrèges, la directrice générale de l'offre de soins (DGOS) au ministère de la Santé, avait déjà indiqué que, "sous réserve des agendas parlementaires", le projet de loi pourrait arriver sur le bureau de l'Assemblée nationale "dans la seconde quinzaine de mars". Le calendrier semble donc s'accélérer, puisque les projets de loi adoptés en conseil des ministres sont, en principe, déposés directement dans la foulée sur le bureau d'une des deux assemblées. Agnès Buzyn a d'ailleurs elle-même évoqué un "calendrier assez court lié à la réforme des études de médecine". La loi doit en effet être impérativement adoptée au printemps pour que cette réforme - comprenant notamment la suppression du "numerus clausus", celle du concours de fin de première année et le classement national des internes - s'applique à la rentrée universitaire 2019. La ministre des Solidarités et de la Santé souhaite donc que le projet de loi fasse l'objet d'une urgence déclarée (une seule lecture dans chaque chambre).
Mais cette solution risque de faire grincer des dents sur des sujets qui mobilisent fortement les parlementaires et donnent généralement lieu à de très nombreux amendements. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, pilotée par Marisol Touraine, comptait ainsi 57 articles lors de son passage en conseil des ministres pour terminer à 227 articles, dont de nombreuses scories n'ayant pas leur place dans un texte législatif. En plein Grand Débat national, le projet de loi d'Agnès Buzyn ne devrait pas manquer d'attirer, par exemple, de nombreux amendements sur la question de la lutte contre les déserts médicaux.
Les hôpitaux de proximité au programme du projet de loi
Outre la réforme des études médicales, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé contient plusieurs dispositions importantes issues de la stratégie "Ma santé 2022". Il prévoit ainsi une profonde réforme de la carte hospitalière, avec la modification du statut des hôpitaux de proximité et leur labellisation. Cette transformation se fera sous la forme d'une ordonnance - le projet de loi habilitant le gouvernement à le faire et donnant les grands axes de la future ordonnance -, afin de laisser du temps à la concertation. L'objectif est d'arriver à 500 ou 600 hôpitaux de proximité labellisés à l'horizon 2022.
Le projet de loi élargit également l'accès au système national des données de santé (SNDS). Jusqu'alors cantonné à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation, l'utilisation du SNDS sera élargie à tout traitement "présentant un caractère d'intérêt public". Le texte devrait aussi régler définitivement la situation des 4.000 Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne) qui exercent dans les hôpitaux. Enfin, le projet de loi introduit la notion de "télésoin", qui étend les modalités de la télémédecine aux pharmaciens et aux professions paramédicales. Ceci recouvre, par exemple, "l'accompagnement par les infirmiers des effets secondaires de chimiothérapies orales, ou encore les séances d'orthophonie et d'orthoptie à distance".
L'équilibre des comptes de la sécurité sociale remis en cause, le financement aussi ?
Le contexte a toutefois changé depuis la présentation, par le chef de l'État, de la stratégie "Ma santé 2022", qui avait d'ailleurs été bien accueillie. Les dix milliards d'euros de dépenses ou de pertes de recettes fiscales et sociales - au titre des "mesures d'urgence économiques et sociales" - pour répondre à la crise des gilets jaunes vont en effet peser lourdement sur les comptes publics. Évoquant les comptes de la sécurité sociale lors de ses vœux à la presse, Agnès Buzyn n'a d'ailleurs pas caché que "le retour à l'équilibre en 2019 est compromis. [...] Il va falloir revisiter ce calendrier. Évidemment, nous continuons de viser le retour à l'équilibre, mais je n'ai pas de date à vous donner aujourd'hui". Le léger excédent de 100 millions d'euros prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 - une première depuis 2001 - n'est donc plus d'actualité.
Or, le plan "Ma santé 2022" prévoyait une enveloppe supplémentaire de l'ordre de 3,4 milliards d'euros (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2018), répartie sur les quatre ans de sa mise en œuvre et qui a commencé à se concrétiser avec la LFSS 2019 (voir notre article ci-dessous du 26 septembre 2018). Cette enveloppe sur quatre ans semblait finançable dans un contexte de redressement des comptes de la sécurité sociale, marqué par des économies dans d'autres secteurs. Mais la brusque dégradation des comptes après la crise des gilets jaunes risque de compliquer sérieusement l'équation budgétaire. Agnès Buzyn a ainsi expliqué : "Nous commençons les travaux et la réflexion autour des conséquences à tirer de ces mesures d'urgence."
Cette dégradation des comptes sociaux pourrait même avoir des conséquences sur d'autres grandes réformes dans le champ médicosocial. La ministre des Solidarités et de la Santé a ainsi indiqué que le projet de loi "Grand Âge et autonomie", normalement attendu pour le courant de 2019, "tiendra évidemment compte de ce décalage de calendrier".
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