Alors que le gouvernement semble de plus en plus s'orienter vers une réforme a minima des aides au logement, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2016 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes se rappelle à son bon souvenir en rendant public son rapport - remontant à juillet 2015 - sur "les aides personnelles au logement" (APL). Il s'agit en l'occurrence d'un rapport commandé par la commission des finances du Sénat.
Un enjeu à 17 milliards d'euros
Avec ce document d'une centaine de pages, la Cour s'inscrit dans les pas du rapport des trois inspections générales - Igas (Inspection générale des affaires sociales), IGF (Inspection générale des finances) et CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable) - sur les aides au logement. En principe confidentiel car destiné à préparer certains arbitrages budgétaires, celui-ci avait fuité dans la presse, soulevant de vives polémiques sur les mesures proposées (voir notre article ci-contre du 30 janvier 2015).
C'est peu dire que le rapport de la Cour est écrit au vitriol. S'il ne conteste pas la légitimité et l'intérêt économique et social des aides personnelles au logement, il se montre en revanche très critiques sur leurs modalités et sur un certain nombre de dérives. Il est vrai que l'enjeu est de taille, avec un total de 17,4 milliards d'euros en 2013, bénéficiant à 6,5 millions de foyers. En outre, la progression de la dépense publique correspondante est nettement supérieure à l'inflation (+4% en 2013 et +2,1% en 2014), ce qui devrait perdurer au moins jusqu'en 2017, date à laquelle l'enveloppe budgétaire atteindrait 19 milliards d'euros.
Face à cette dérive, la Cour observe que "malgré les annonces faites en avril 2015 par le gouvernement dans le cadre du programme de stabilité, les mesures d'économie avancées par les ministères concernés [...] ne sont pas clairement identifiées, à l'exception du changement de mode d'indexation du paramètre de prise en compte des revenus des bénéficiaires intervenu en décembre 2014".
Des résultats limités au regard de l'effort budgétaire
Mais les critiques visent aussi l'efficacité des APL. Ainsi, le rapport relève que "malgré leur caractère globalement redistributif, les aides personnelles laissent subsister des inégalités entre les ménages au regard de leur situation de logement". La remarque vise les locataires HLM, qui bénéficient en outre du plafonnement des loyers, ce qui aboutit - à revenus équivalents - à une "différence marquée" dans le taux d'effort respectif des locataires du parc public et du parc privé.
La Cour reprend aussi le reproche classique de l'effet incitatif des APL sur les hausses de loyers, les bailleurs "confisquant" une partie de l'aide. Selon le rapport, les APL n'ont pas non plus d'effet positif sur la création de logements.
Moins habituel, la Cour des comptes pointe également les coûts de gestion élevé des APL, conséquence de la complexité de la prestation et de ses barèmes. Conséquence : les APL représentent, à elles seules, 43% (1,57 milliard d'euros) des indus détectés par les CAF et 28% du montant des fraudes (280 millions d'euros). Au niveau de la Cnaf, qui en assure le versement, le coût de gestion serait de l'ordre de 600 millions, soit 3,5% du montant de la dépense.
Fusionner les APL et la prime d'activité ?
La Cour estime que "dans le contexte budgétaire actuel, les limites de leur efficacité et de leur efficience deviennent moins acceptables". Le rapport propose donc plusieurs mesures permettant de réajuster cette prestation. Celles-ci visent à améliorer la prévisibilité de l'aide pour les ménages (en simplifiant les dates d'accès aux droits et en "gelant" le montant de l'aide sur une période de six mois), à accroître l'équité des aides (en réduisant les écarts entre le parc public et le parc privé et en réformant le régime de l'APL pour les étudiants), à renforcer le pilotage budgétaire des aides au logement et à améliorer la connaissance du parc en créant une base de données sur les logements.
Mais la Cour est consciente des limites de ces mesures et propose donc de passer à une "nouvelle approche systémique", tout en ne cachant pas la complexité de l'exercice. Il s'agirait en l'occurrence - en s'inspirant d'une réforme récemment mise en place en Grande-Bretagne - de fusionner les APL avec la future prime d'activité, résultant elle-même de la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi, prévue au 1er janvier 2016.
Une réforme à minima ?
Si la commission des finances du Sénat s'est montrée intéressée par les propositions de la Cour, il n'en va de même du côté du gouvernement. Celui-ci aurait en effet décidé de maintenir le cumul, pour l'APL étudiants, entre le bénéfice de l'aide et le rattachement au foyer fiscal des parents. La suppression de ce cumul équivaudrait en effet à une hausse d'impôt, ce qui n'est plus dans l'air du temps.
Le gouvernement s'orienterait donc plutôt vers quelques mesures ponctuelles préconisées par le groupe de travail animé par le député François Pupponi (voir notre article ci-contre du 27 mai 2015), comme l'introduction d'un critère patrimonial dans la prise en compte des revenus du foyer.
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