Le 16 mars, Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, et Frédéric Martineau, président de la conférence des présidents de commission d'établissement de centres hospitaliers, ont remis à Marisol Touraine leur rapport intermédiaire sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT), l'une des innovations phares de la loi de modernisation du système de santé (voir notre article ci-contre du 9 février 2016). Les deux auteurs avaient déjà remis un rapport intermédiaire très favorable, portant à la fois sur le principe des GHT et sur les conditions de leur mise en œuvre (voir notre article ci-contre du 27 mai 2015).
Dix recommandations pour les futurs décrets
La loi Santé étant désormais publiée, Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau passent, dans leur rapport final, à une phase plus opérationnelle. Après avoir souligné la très grande hétérogénéité des groupements en préparation - de 2 à 13 établissements, de 140.000 à plus d'un million d'habitants couverts... -, ils proposent en effet dix orientations pour les décrets d'application de l'article 107 de la loi Santé sur les GHT. Il s'agit notamment de définir le contenu du projet médical partagé, d'expliciter le processus de création d'un GHT, de faciliter l'organisation en commun des activités médico-techniques, d'organiser la convergence des systèmes d'information, d'introduire des modalités de solidarité budgétaire et de trésorerie...
Il s'agit aussi de "mettre en place une gouvernance inspirée de celle des hôpitaux". En dépit de cette allusion au modèle de gouvernance hospitalière - qui repose sur le binôme constitué par le président du conseil d'administration élu local (même si la loi n'en fait pas une obligation) et par le directeur de l'établissement -, les auteurs n'ont manifestement pas entendu les protestations - tardives - des élus découvrant qu'ils sont exclus de la gouvernance des GHT (voir nos articles ci-contre de 23 et 26 février 2016). Le rapport reste donc sur le principe d'une gouvernance duale associant le directeur de l'établissement support et un "leader médical" chargé du pilotage médical du GHT (en l'occurrence, un président de conférence médicale d'établissement).
Le rapport préconise aussi quatre orientations pour accompagner le déploiement des GHT. Il s'agit en l'occurrence de mettre à disposition une "boîte à outils" élaborée avec les professionnels hospitaliers, de mettre sur pied un plan de formation nationale, d'assurer un accompagnement financier pour compenser les coûts de mise en place des GHT et d'organiser le dialogue social au niveau des groupements.
L'AMF et l'APVF mobilisent
Au lendemain de la remise de ce rapport, Marisol Touraine a installé, le 17 mars, le "comité de suivi des GHT". Cette instance, regroupant les différents acteurs concernés, sera chargée d'accompagner la mise en place des GHT, qui doivent être généralisés avant le 1er juillet 2016. Si l'accord est assez large sur le principe de la mise en place des GHT - la Fédération hospitalière de France (FHF) soutenant fermement le projet (voir notre article ci-contre du 22 janvier 2016) -, l'accord est nettement moins unanime sur les modalités de leur mise en œuvre.
La FHF a exprimé ainsi de vives réserves sur le contenu des projets de décrets en circulation. Elle dénonce notamment "un risque réel de dérive bureaucratique et technocratique allant à l'encontre de l'objectif premier de construction de parcours de soins" (voir notre article ci-contre du 23 février 2016).
Les élus sont tout aussi réticents, mais sur le volet de la gouvernance. L'Association des maires de France (AMF) - qui se dit elle aussi "particulièrement favorable" aux GHT - vient en revanche de prendre conscience de l'exclusion des élus de la gouvernance des groupements et demande leur représentation "dans l'ensemble des instances des GHT et non uniquement au sein du comité territorial des élus locaux dont la composition, le rôle et l'influence sont très limités".
De son côté, l'Association des petites villes de France s'inquiète, elle aussi, des modalités de mise en place des groupements et, plus particulièrement, "de la place des élus dans les futurs GHT alors que le projet de décret ne prévoit de donner qu'un rôle minime au comité territorial des élus". Elle rappelle au passage "que les élus locaux disposent d'une connaissance fine de leur territoire et des besoins en matière de santé". L'APVF estime donc que "les futurs règlements devraient faire de ce comité un espace de dialogue pérenne et sincère avec les professionnels de santé et donner aux élus la capacité de coconstruire les projets et les orientations des futurs GHT".
Au-delà de son rôle technique, le comité de suivi pourrait donc aussi devenir une instance de proposition et de concertation pour réparer certaines imperfections des GHT.
"Associer étroitement les élus locaux à la mise en œuvre des GHT"
Dans un communiqué du 17 mars, Marisol Touraine indique avoir échangé avec François Baroin, le président de l'AMF, "pour lui faire part de sa volonté d'associer étroitement les élus locaux à la mise en œuvre des GHT". Elle lui a précisé que "les groupements hospitaliers de territoires sont une opportunité pour renforcer le service public hospitalier, en conciliant la nécessaire autonomie des établissements et le développement des synergies territoriales. Autrement dit : pas de subordination, pas d'uniformisation. Les acteurs de l'hôpital doivent construire des GHT adaptés à leur territoire".
Dans son intervention lors de l'installation du comité de suivi, la ministre de la Santé a repris cette idée. Elle n'a toutefois rien dit sur les modalités concrètes de cette réintroduction des élus locaux dans la gouvernance des GHT. Il demeure en effet un obstacle juridique de taille. L'article 107 de la loi Santé - codifié sur ce point à l'article L.6132-2-I du Code de la santé publique - prévoit en effet que la convention constitutive du GHT définit "la composition du comité stratégique chargé de se prononcer sur la mise en œuvre de la convention et du projet médical partagé".
Mais, sur cette instance décisive de la gouvernance des GHT, ce même article précise que le comité "comprend notamment les directeurs d'établissement, les présidents des commissions médicales d'établissement et les présidents des commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de l'ensemble des établissements parties au groupement", et donc aucun élu.
Ceux-ci sont relégués dans une instance dédiée - le comité territorial des élus locaux - "chargé d'évaluer les actions mises en œuvre par le groupement pour garantir l'égalité d'accès à des soins sécurisés et de qualité sur l'ensemble du territoire du groupement". Un rôle en réalité très modeste car le comité territorial des élus locaux se borne à "émettre des propositions et est informé des suites qui leur sont données".
Une modification législative de l'article 107 semblant exclue avant l'échéance du 1er juillet 2016, il faudra donc tordre un peu le nez à l'interprétation de cet article, pour que l'engagement de Marisol Touraine ne reste pas lettre morte. Le "notamment" de la liste des membres du comité stratégique pourrait certes englober les élus locaux, mais il serait quelque peu étonnant que cet adverbe couvre le président du conseil d'administration, alors que le président de la commission médico-technique est expressément cité... En outre, la comité territorial des élus locaux se trouverait vidé de son sens dès lors que des élus seraient présents dans le comité stratégique.
Il faudra donc attendre un peu - et notamment les décrets d'application - pour connaître la nature et l'étendue de ce retour des élus locaux dans la gouvernance des GHT.
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