Les députés ont adopté, lors de la séance du jeudi 23 janvier, la proposition de loi de Laurence Abeille (Ecologiste, Val-de-Marne) relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques. Le groupe UDI s'est toutefois abstenu et l'UMP a voté contre ce texte qui pose en son article 1er le principe de "modération" de l'exposition du public aux champs électromagnétiques, "tout en permettant le déploiement des réseaux de communications électroniques sur l'ensemble du territoire". Laure de La Raudière (UMP, Eure-et-Loir) s'est élevée contre ce texte, qui ouvre "la voie à la multiplication des contentieux lors de l'installation d'antennes mobiles visant à améliorer la couverture des zones rurales et la qualité de service mobile dans les zones urbaines par leur désaturation [...]". Les organisations professionnelles du numérique (Afdel, FFTélécoms, Fieec, Gitep, SFIB, Simavelec, Syntec Numérique, USPII) ont également vivement réagi appelant, selon l'AFP, à "la sagesse du législateur" pour "établir un équilibre entre la nécessaire transparence vis-à-vis du public et l'impérieuse nécessité de promouvoir l'investissement et l'innovation dans le numérique [...]". Le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, a pour sa part salué "la démarche visant à réconcilier le développement économique et les enjeux environnementaux", caractérisant la nouvelle version de ce texte renvoyé en commission il y a un an au grand dam des écologistes. L'amélioration du texte en commission "est empreinte d'un compromis constructif", a-t-il insisté. La ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, un an après sa mise en garde contre les "peurs irrationnelles" liées aux ondes, a quant à elle évoqué "l'aboutissement d'un long travail collectif" et d'une concertation ayant abouti à une "forme de consensus sur le nécessaire point d'équilibre entre les différentes préoccupations que peut parfois soulever le progrès technologique".
Concertation locale
Plusieurs amendements portés par la députée Suzanne Tallard (PS-Charente-Maritime) pour le groupe SRC permettent de clarifier la procédure de concertation, au niveau local et départemental, lors de l'installation de nouvelles antennes-relais. Cette procédure, dont les modalités de mise en œuvre sont renvoyées à un décret, repose sur "la concertation et l'information au niveau communal ou intercommunal, dont le bilan est envoyé à l'Agence nationale des fréquences" (ANFR). L'agence doit en effet "superviser, contrôler et autoriser mais pas intervenir dans la concertation", précise Suzanne Tallard, rapporteure pour la commission du développement durable. Il appartiendra au maire ou au président de l'intercommunalité, d'assurer "le bon déroulement de la concertation locale et la transparence de l'information". La rédaction du texte met l'accent sur le rôle du préfet, lui donnant la possibilité de réunir l'instance de concertation départementale chargée d'une mission de médiation, à la demande du maire ou du président de l'intercommunalité. Il s'agit de supprimer l'ambiguïté liée aux termes "en cas de blocage", qui pouvait laisser penser que cette instance avait un pouvoir décisionnel concernant l'implantation. La décision relève toujours de l'ANFR, insiste Suzanne Tallard. Le président de l'intercommunalité pourra néanmoins, tout autant que le maire de la commune concernée, demander par écrit une simulation de l'exposition générée en amont de la mise en service d'une installation d'antenne. La réalisation de mesures sera soumise à la demande écrite du maire ou du président de l'intercommunalité, après la mise en service de l'installation, afin de vérifier que l'exposition générée est cohérente avec les prévisions de la simulation faite en amont. Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, l'ANFR mettra par ailleurs à la disposition des communes une carte à l'échelle communale des antennes-relais existantes.
Résorption des points atypiques
Les rapports de mesures publiés sur le site de l'ANFR indiqueront, à côté des informations fréquence par fréquence, la contribution globale de la téléphonie mobile, "toutes gammes de fréquences et tous opérateurs confondus". La proposition de loi prévoit également une procédure contraignante pour le traitement des points atypiques où le niveau d'exposition dépasse sensiblement la moyenne. Le niveau d'exposition n'est toutefois pas le seul paramètre permettant de définir un point atypique, "cette identification repose également sur d'autres critères, qui conduisent par exemple à ne pas retenir dans cette définition des lieux inhabités ou de passage", a indiqué le ministre de l'Ecologie. Un amendement soutenu par le groupe SRC impose aux opérateurs de traiter les points atypiques relevés par l'ANFR dans un délai de six mois. Le texte charge en outre le gouvernement de mettre en place une politique de santé publique "concernant l'usage responsable et raisonné des terminaux mobiles ainsi que les précautions d'utilisation des appareils utilisant des radiofréquences". Des mesures restreignant la publicité pour les téléphones portables ou autres terminaux comme les tablettes, en particulier celles ciblant les "enfants de moins de 14 ans", ont également été votées.
Interdiction du wifi dans les crèches
Contrairement aux souhaits des écologistes de "sanctuariser" les établissements accueillant des enfants de moins de six ans, le texte restreint, à la demande du gouvernement, l'interdiction prévue par l'article 7 aux seuls établissements accueillant les très jeunes enfants (moins de trois ans), c'est-à-dire les crèches et garderies, comme c'était le cas dans la première version de la proposition de loi. Le ministre de l'Ecologie a estimé la limitation, introduite en commission, "pas pertinente pour les écoles". Pour Philippe Martin, il serait "contre-productif" d'interdire ou de restreindre le déploiement du wifi dans les écoles maternelles et élémentaires, "au moment même où les politiques de refondation de l'école visent à accélérer l'usage du numérique dans les classes". La nouvelle rédaction invite par ailleurs à désactiver les accès sans fil des équipements "lorsqu'ils ne sont pas utilisés pour les activités numériques pédagogiques". Enfin, le texte prévoit que "toute nouvelle installation d'un réseau radioélectrique fait l'objet d'une information préalable du conseil d'école".
Une avancée
"La petite loi adoptée reflète l'état des forces en présence", ont réagi dans un communiqué commun Robin des toits, Priartém, Agir pour l'environnement et le collectif des électrosensibles de France. "Non seulement les amendements visant à renforcer le texte ont été rejetés, mais sur proposition du gouvernement, l'ambition du texte initial a été réduite, notamment en ce qui concerne l'exposition des enfants", regrettent les quatre associations. Cependant, ce nouveau texte "marque [...] une étape symbolique pour la reconnaissance de l'électrohypersensibilité", ajoutent-elles. "Loin d'un texte idéal garantissant aux riverains d'antennes, utilisateurs de portables et électrohypersensibles la sobriété électromagnétique affichée, le texte voté n'en n'est pas moins une avancée comblant un vide règlementaire persistant", concluent les associations, s'en remettant aux sénateurs pour "renforcer la petite loi adoptée" par les députés.
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