Peu de secteurs autres que le cinéma peuvent décidemment se prévaloir d'une telle pluie d'aides et cadeaux fiscaux divers (voir nos articles ci-contre). Le gouvernement a allongé une liste déjà longue en faisant adopter, le 6 décembre, un amendement présenté par ses soins à l'occasion de l'examen, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de finances rectificative pour 2013.
Le crédit d'impôt porté de 20% à 30% pour les petites productions
L'amendement en question porte de 20% à 30% le taux du crédit d'impôt pour dépenses de production d'œuvres cinématographiques - prévu à l'article 220 sexies du CGI - au bénéfice des films dont le budget de production est inférieur à 4 millions d'euros. Les dépenses éligibles à l'assiette du crédit d'impôt faisant l'objet d'un certain nombre de limitations, le taux réel du crédit d'impôt passerait ainsi de 10 à 12% du total des dépenses de production à 15 à 18%.
L'argument avancé par le gouvernement dans l'exposé des motifs est que, "dans le contexte actuel de tensions sur le financement des œuvres, il est nécessaire d'accompagner plus particulièrement les films à l'économie la plus fragile, dont les conditions de réalisation vont devenir plus difficiles à défaut d'apports financiers plus importants". Or ces films sont "essentiels au maintien d'un cinéma dynamique et innovant" et il est donc nécessaire "d'apporter un soutien public plus important à la production d'œuvres cinématographiques fragiles".
"Mettre fin au cumul d'un certain nombre de dispositions"
L'argument n'a pas vraiment convaincu les députés. S'ils ont finalement voté la mesure, c'est en dépit d'un avis défavorable unanime de la commission des finances. Gilles Carrez, son président, a ainsi estimé que "l'argumentation développée par le ministre [du budget, ndlr], que nous avons l'habitude d'entendre et selon laquelle une telle mesure permettrait un foisonnement de films encore plus important, n'est pas très convaincante". Rappelant que "toutes sortes de dispositifs existent dans le secteur du cinéma" et que "les places de cinéma ont été les seules - ou presque - à bénéficier du maintien du taux réduit de TVA", il a indiqué que "la commission a considéré qu'il fallait mettre fin au cumul d'un certain nombre de dispositions".
Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, a répondu que "près de 80% des budgets culturels - si l'on agrège le budget de l'État et ceux des collectivités territoriales - sont consacrés à l'accompagnement de la diffusion, tandis que 20% sont destinés à l'accompagnement de la création", ce qui est le cas de la mesure prévue par l'amendement.
De son côté, la Ficam (Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia) - qui n'est pas étrangère à la mesure - s'est naturellement réjouie, dans un communiqué publié le jour même, de l'adoption de cet amendement. Elle y félicite notamment "les parlementaires d'avoir adopté l'amendement présenté par le gouvernement, optimisant les mesures d'attractivité des territoires offertes aux producteurs cinématographiques tournant en France".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi de finances rectificative pour 2013 (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 3 au 10 décembre 2013).
Nouvelle polémique sur le soutien au cinéma
Alors même que l'Assemblée adoptait l'amendement du gouvernement, le Journal du Dimanche dévoilait, dans son édition du 8 décembre 2013, le contenu d'un rapport de la Cour des comptes "qui vient d'atterrir sur le bureau de la ministre de la Culture" et qui dresse un tableau critique des dispositifs d'aide au cinéma. La Cour évalue les différentes aides à 1,6 milliard d'euros et estime que "malgré les réussites et les succès dont il peut s'enorgueillir, le système français souffre d'insuffisances, voire de dérives qui non seulement le fragilisent [...], mais s'avèrent de moins en moins compatibles avec la situation actuelle de raréfaction de la ressource publique".
S'il faut attendre la publication du rapport - avec les réponses du ministère de la Culture - pour connaître l'ensemble des observations et des préconisations de la Cour, Aurélie Filippetti a réagi dès le 9 décembre, sous la forme d'un communiqué. Elle y explique précisément que la version mise en circulation ne prend pas en compte les réponses du ministère, dans le cadre de la procédure contradictoire, et que le texte n'est donc pas définitif. La ministre de la Culture estime aussi "que l'argumentation retenue occulte délibérément tous les apports de la politique du cinéma et de l'audiovisuel à la croissance et à la création française" : premier rang européen pour la part des films nationaux dans la diffusion, effets bénéfiques sur l'emploi et sur les tournages étrangers en France, numérisation des salles de cinéma réalisée à 98%... Cette nouvelle polémique, qui ne devrait pas manquer de resurgir à la publication officielle du rapport, n'est pas sans rappeler celle - très vive - lancée au début de l'année par le producteur indépendant Vincent Maraval. Celui-ci expliquait alors que "toute la profession sait pertinemment, mais tente de garder [le] secret : le cinéma français repose sur une économie de plus en plus subventionnée".
JNE
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