Deux projets de textes (un décret et un arrêté), ouverts à la consultation du public sur le portail du ministère de la Transition écologique, jusqu'au 4 novembre prochain, ont pour objectif d’ajuster les modalités de mise à disposition des données relatives à l'énergie, par les gestionnaires de réseaux (gaz, électricité, chaleur, produits pétroliers), à l'ensemble des personnes publiques, à commencer par les collectivités territoriales impliquées dans les politiques locales de l’énergie à des échelles multiples : schéma régional climat air énergie (SRCAE), plan climat air énergie territorial (PCAET), bilan d’émission de gaz à effet de serre (BEGES), etc. A cet égard, la loi Transition énergétique de 2015 (art. 179) a constitué un progrès significatif en faisant sauter un certain nombre de verrous juridiques qui limitaient les possibilités de transmission de données, en particulier du fait du secret statistique. Mais c’est surtout son décret d’application (n° 2016-973 du 18 juillet 2016) qui a marqué un tournant décisif, s'agissant de préciser la nature des informations, leur maille territoriale et le mécanisme de mise à disposition. Le projet de décret modificatif soumis à consultation s’appuie sur le bilan à trois ans de la mise en œuvre du dispositif. Une obligation réglementaire chapeautée par le Cerema qui a notamment permis de recueillir l’appréciation d’une vingtaine de collectivités de différentes tailles et compétences, des associations d’élus et des observatoires régionaux de l’énergie et de la qualité de l’air.
Ateliers participatifs
S’en est suivi, ces derniers mois, une série d'ateliers participatifs associant les principaux acteurs intéressés aux côtés des gestionnaires de réseaux de distribution (GRD). "Globalement la consultation a bien été menée, même si les GRD ont été bien plus écoutés, que les utilisateurs ou producteurs de ces données, côté collectivités en particulier", relève Guillaume Perrin en charge de l’activité "réseaux de chaleur et de froid" à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui se dit néanmoins satisfait de "cette dynamique d’échange". "Nous n’étions pas dans une logique d’ouvrir tout à toute force dans une position maximaliste", explique-t-il, reconnaissant qu'il y a "une logique à conserver une approche de confidentialité ou d’agrégation de certaines mailles". Au-delà de la maille agrégative, on entre en effet dans la consommation et le suivi des individus ou des appartements, "ce qui peut apparaître problématique", précise-t-il. En cela, la philosophie du décret "nous semble suffisante pour travailler par exemple sur la thématique des PCAET", de façon à permettre un "état des lieux en termes de consommation et le plan d’actions qui en découle". Que ce soit à la fois dans la maille et dans l’étendue des données, "on reste dans un spectre qui nous intéresse au niveau des collectivités".
Isoler le résidentiel
D’après le ministère, le bilan diffusé fin 2018, a fait ressortir que la principale demande des collectivités portait sur l’évolution de la définition du résidentiel "pour isoler les consommations du résidentiel de celles des petits professionnels". "Une information précise sur ces consommations leur est nécessaire pour suivre les actions de baisse de la consommation de ce secteur qui est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre", insiste la notice. Or, actuellement, les points de livraisons d’une puissance inférieure à 36 kV(A) pour l’électricité et de tarif d’acheminement T1 et T2 pour le gaz (moins de 300.000 kWh par an) sont considérés comme du résidentiel. Ce type de critères peut engendrer des biais, en amenant parfois à considérer comme du résidentiel des sites relevant du petit tertiaire (restauration, petits commerces, bureaux de PME, etc). Les projets de textes prévoient en conséquence un cloisonnement plus net, en rassemblant les petits professionnels dans un secteur spécifique pour permettre la protection des données à caractère personnel. A la maille de l’IRIS (ilots regroupés pour l’information statistique), les petits professionnels font l’objet de conditions de protection spécifiques, notamment à travers "un seuil de secrétisation dédié". "Les données des petits professionnels ne sont pas publiées à l’adresse, dans l’attente d’un plus grand recul sur les règles de protection à appliquer à cette échelle", précise le ministère. "A cette échelle, comme prévu antérieurement par le dispositif, les données du secteur résidentiel sont publiées après protection et les données des entreprises qui ont des consommations importantes sont publiées sans protection."
Abaisser la secrétisation
Un abaissement du seuil d’anonymisation (c’est-à-dire du masquage des données), même minime, permet une amélioration sensible du nombre de données, notamment à des mailles fines telles que l’IRIS, l’EPCI, voire le département. Aussi, le projet de texte prévoit-il "d’abaisser les conditions de secrétisation des agrégats résidentiels pour les rendre cohérentes avec les règles communément adoptées" (en clair, le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles - RGPD - et la position de la Cnil- Commission nationale de l'informatique et des libertés). De nouveaux jeux de données seront également disponibles sur la consommation des bâtiments "en distinguant les consommations par secteur d’activité" et "le secteur d’activité du site de celui du client", indique la notice. Pas grand chose de nouveau, analyse toutefois la FNCCR. Le projet de texte envisage par ailleurs de faire évoluer le dispositif sur les réseaux de chaleur et de froid, "en publiant en open data les données de livraison annuelles de chaleur et de froid pour chaque réseau, ce qui permettra de mettre facilement à disposition des consommateurs finals la performance énergétique des réseaux". Sur ce point, la FNCRR exprime quelques regrets, relevant que ces données "sont encore trop peu accessibles dans les remontées", et ce malgré l’ajustement du calendrier, et déplorant "un retard préjudiciable à la bonne connaissance des données chaleur et des réseaux en tant que tels". L’autre manque exprimé concerne les courbes de charges dans l’approche "smart grids", que la FNCCR essaye de porter sur les territoires, "essentielle pour bâtir des opérations résilientes et jouer sur la question du foisonnement à définir des usages sur une même zone".
Dans l'attente d’un guide pratique
Sur la question du flux des données, la logique demeure "centralisatrice", la FNCCR n’a pas été entendue à ce niveau, déplore Guillaume Perrin. "(…) on aurait préféré une remontée qui se fasse au niveau régional a minima avec une consolidation et une mise à disposition des données locales pour les collectivités dans la logique du service public local de la donnée, que nous proposons, plutôt qu’une remontée nationale".
Reste que la plupart des collectivités territoriales, en particulier celles ne disposant pas de l’expertise technique nécessaire à l’exploitation de ces informations, ne s’est pas encore entièrement saisie de ce levier. Ce manque de lisibilité, ainsi que l’absence de pédagogie sur le dispositif, pourrait expliquer le faible nombre de demandes pour des données IRIS ou par bâtiment. Ce que confirme Guillaume Perrin : "(…) la présentation et le rendu qui en est fait font qu’il faut déjà avoir une bonne sensibilisation, si ce n’est une formation à l’utilisation des données telles quelles sont affichées sur le site du ministère pour pouvoir s’en saisir". Un guide méthodologique voire un kit d’utilisation des différentes plateformes (SDES, open data Enedis, open data GRDF, ODRÉ etc.) seraient donc bienvenus. "C’est une intention pour le moment"…
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