Contre l'avis du gouvernement, le Sénat a adopté en séance ce 9 février une proposition de loi du sénateur LR du Cher Rémy Pointereau visant à "sécuriser la procédure d’abrogation des cartes communales dans le cadre d’une approbation d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et à reporter la caducité des plans d'occupation des sols (POS)". Ce texte, adopté sans modification, conformément à la procédure de législation en commission (droit d'amendement uniquement exercé en commission et séance publique consacrée aux explications de vote et au vote), entend mieux accompagner la transition des documents d’urbanisme communaux, en particulier celle des cartes communales aux PLUi, et accorder un délai supplémentaire pour opérer la transition des POS aux PLUi.
"Complexité et coût" de la transition vers le PLU
"La loi SRU a créé le plan local d'urbanisme (PLU) mais la transition vers ce nouvel outil se fait lentement, pour des raisons de complexité et de coût", a souligné le rapporteur du texte, Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse), en introduisant les débats. "Elle a été retardée par le transfert de la compétence à l'échelon intercommunal en 2017, a-t-il poursuivi. Résultat, de nombreuses communes, souvent rurales, ont préféré rester régies par une carte communale ou un plan d'occupation des sols (POS). Elles doivent être respectées et entendues." Rémy Pointereau (LR, Cher), à l'initiative de de la proposition de loi, a défendu un texte qui "émane du terrain". "Les élus locaux sont excédés par les changements incessants du droit de l'urbanisme et le manque d'informations, a-t-il insisté. Il est incompréhensible que les cartes communales soient abrogées dès le stade de l'enquête publique en vue de l'élaboration d'un PLUi, alors que le processus peut durer deux à quatre ans. Aucune loi ne précise comment se fait cette transition."
Deux réformes encore en cours
Pour comprendre les difficultés actuelles des petites communes, il faut rappeler les deux réformes d'ampleur intervenues ces vingt dernières années qui ont bousculé le cadre des documents d'urbanisme locaux. La première, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite "SRU" du 13 décembre 2000, a créé le PLU, appelé à remplacer les anciens POS. Puis la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite " Alur" du 24 mars 2014 a acté le transfert de la compétence en matière d’urbanisme à l’échelon intercommunal, sauf opposition des communes membres, impliquant l’élaboration de PLUi.
Fin 2020, il existait ainsi 18.400 PLU, contre environ 5.700 cartes communales et 530 POS, tandis que 10.300 communes restaient régies par le règlement national d’urbanisme. 55% des communes françaises faisaient partie d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) désormais compétent en matière d’urbanisme, ce qui implique le remplacement de leurs documents communaux par des PLUi. Mais alors que 40% des communes aujourd’hui couvertes par une carte communale, soit environ 2.300 communes, seront bientôt couvertes par un PLUi actuellement en cours d’élaboration par l’EPCI, ni la loi, ni le règlement ne donnent d’indications sur la procédure applicable à la nécessaire abrogation des cartes communales, souligne le rapport de Jean-Baptiste Blanc.
Procédure pour le remplacement des cartes communales par des PLUi
L'article 1er de la proposition de loi propose donc de clarifier le droit et de fixer une procédure pour le remplacement des cartes communales par des PLUi. Plus précisément, il deviendrait possible de "mener de front abrogation de la carte communale et élaboration du PLUi, avec une enquête publique unique, ce qui réduit les lourdeurs procédurales", a assuré Jean-Baptiste Blanc. Un amendement unique voté en commission précise que le caractère joint de l’abrogation de la carte communale et de l’approbation du PLUi sera prévu dès la délibération initiale de prescription, pour la bonne information du public comme des communes membres de l’EPCI. Il confirme que l’abrogation ne peut alors intervenir qu’en même temps que le PLUi devient exécutoire, pour éviter tout décalage entraînant l’application du règlement national d'urbanisme (RNU). Enfin, il transforme l’accord explicite du préfet sur l’abrogation de la carte communale en un accord implicite, de façon à opérer une soumission globale du projet de PLUi au préfet en fin de procédure et à aligner l’entrée en vigueur du PLUi et l’abrogation de la carte.
Après avoir rappelé que la commune était compétente pour abroger une carte communale, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a reconnu que cette mesure du texte répondait à "un véritable vide juridique" et dit s'être "engagée à rédiger un décret" qui devrait être "rapidement signé".
Dérogations pour les POS devenus caducs
L'article 2 de la proposition de loi vise à mettre à disposition des maires une "boîte à outils" de dérogations pour atténuer l’impact de la caducité des POS intervenue au 1er janvier 2021. 530 communes, en majorité rurales, sont concernées. "Si le nombre de communes touchées par la caducité des POS peut sembler réduit, les effets négatifs du passage du régime du POS aux règles du RNU sont nombreux", a souligné Jean-Baptiste Blanc dans son rapport, s'appuyant sur les signalements des maires. Parmi ces difficultés mises en exergue : la perte de droit de préemption urbain (DPU), qui permet de constituer des réserves foncières destinées à des projets structurants d’aménagements, d’équipements collectifs, de logements sociaux… ; l’exigence d’avis conforme du préfet sur toutes les décisions en matière d’autorisations d’urbanisme, qui bien qu’instruites par le maire, sont rendues au nom de l’État et augmentent de surcroît les délais en période de crise du logement et de relance économique ; les changements significatifs des règles de constructibilité, dont il résulte à la fois des blocages de projets pertinents, importants pour le développement des communes ; et l’émergence de projets "prédateurs" auxquels les communes ne peuvent plus s’opposer.
La commission a donc adopté deux amendements apportant des dérogations facultatives et encadrées dans le temps (jusqu’à l’adoption du PLUi ou jusqu’à la fin de l’année 2022 au plus tard) aux maires des communes frappées par la caducité. Il s'agit d'abord de rouvrir le bénéfice du droit de préemption urbain aux communes dont le POS a été rendu caduc. Ces communes pourront alors l’instituer par délibération. Autre possibilité : créer un premier "droit de proposition" du maire, pour que celui-ci puisse solliciter formellement du préfet, dont l’avis conforme est nécessaire, le recours à un sursis à statuer élargi, fondé sur l’intérêt communal de l’opération. Le préfet devra alors justifier tout avis négatif. Enfin, dernière disposition : créer un second "droit de proposition" du maire, pour que celui-ci puisse solliciter formellement l’accord du préfet pour bénéficier de certaines dérogations au RNU, dès lors qu’il justifie de l’intérêt communal du projet ainsi permis. "Les dérogations possibles pourraient d’ailleurs être élargies par décret", avance le rapport.
La ministre a rappelé en séance que le gouvernement était opposé à l’octroi d’un délai supplémentaire pour les POS. Elle a cependant annoncé le lancement d'un groupe de travail pour élargir le droit de préemption urbain pour les communes revenues au RNU, à la suite de la caducité de leur POS au 31 décembre 2020.
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